L’église Saint-Martin

8 septembre 2008 à 21:44

L’église Saint-Martin de Patrimonio est située au hameau Cardeto. Cet édifice, de style baroque, a été construit sur un terre plein surélevé et entouré de murs en pierres.

La première mention de l’église est faite dans les visites pastorales de 1575. Elle est l’église paroissiale de Patrimonio et la chapelle Santa Maria est alors dite « annexe » à celle de San Martinu. Mais cette église datant au moins du XVIème siècle a besoin d’entretien mais il ne semble pas qu’elle ait été en ruine, car elle était utilisée. En 1653 toutefois, Mgr Saporito ordonne de refaire le toit d’ici 6 mois sous peine d’interdire l’accès à l’église. Ce n’est toujours pas fait au mois de mai 1654, puisque l’évêque demande alors que « l’on commence à restaurer l’église d’ici un mois jusqu’à totale perfection sous peine d’interdiction de la confrérie (…) ». La communauté allait s’exécuter.

Les travaux de l’église en 1654

L’ancienne église fut probablement reconstruite ou en tout cas très remaniée en 1654. En effet, dans les archives du diocèse du Nebbio se trouvent conservés les comptes des dépenses effectuées pour l’église San Martinu à partir du 26 juillet 1654, soit deux mois après l’injonction de l’évêque. On y trouve des achats de planches (à Olmeta), de chaux, de teghje et de pierres. La communauté de Patrimonio avait fait appel à des maîtres maçons présents à Bastia.

Le chantier se déroule jusqu’en avril 1655 pour un coût total de 729 lires et 14 sous, ce qui représente une très grosse somme pour l’époque lorsque l’on sait que, par exemple, le salaire d’un maçon qualifié était d’une lire la journée. Cela permet de penser que l’on a reconstruit l’église ou qu’elle l’a quasiment été en l’agrandissant d’une manière importante.

Cette église n’avait pas les proportions de celle que nous connaissons aujourd’hui. Un document, daté de 1709, donne une idée des lieux. Il s’agit d’une demande d’autorisation auprès de l’évêque, émanant du prieur de la confrérie de la Santa Croce. Cette dernière possédait alors son oratoire particulier et non une chapelle latérale dans l’église paroissiale. L’oratoire menace ruine au sud et le toit laisse pénétrer la pluie ; de plus il est devenu trop petit pour accueillir tous les confrères. Ces derniers demandent donc non seulement de pouvoir restaurer la vieille construction, mais de l’agrandir. L’évêque donne son accord pour la restauration de l’ancien édifice et même pour le surhausser, mais de ne l’agrandir « sur aucun des quatre côtés au-dessus de l’emplacement de l’église paroissiale voisine, ou du cimetière » sans la visite préalable du vicaire forain.

Ces échanges laissent donc entendre qu’à l’origine l’église Saint-Martin, la confrérie de Sainte Croix et le cimetière se côtoyaient.

Comment était cette ancienne église Saint-Martin ? Elle était plus petite que l’actuelle et n’avait que quatre chapelles latérales. Un inventaire datable des années 1760 environ donne sa description.

Elle est « située au centre de Patrimonio, entourée par le cimetière ceint de murailles qui a son entrée vers « tramontana » (le nord) où confine la route publique, au « levante » (à l’est) avec la vigne de Maria Faustina veuve de feu Bartolino, vers « mezzogiorno » (au sud) avec (la confrérie de) Santa Croce ou « Casazza », et vers « ponente » (à l’ouest) avec une vigne appartenant à ladite église.
Il y a à l’intérieur cinq autels, c’est à dire le maître-autel sous l’invocation de San Martino Vescovo, situé au milieu du Choeur isolé de toutes parts.

La première chapelle située au nord a son autel sous l’invocation de Santa Maria delle Grazie, et elle est la propriété des filles de feu Carlino fils de feu Domenico Palazzo.

La seconde chapelle également du côté nord a son autel dédié à San Michele Arcangelo et elle est la propriété de la « magnifica » famille Calvelli.

La première chapelle vers le sud a son autel dédié à San Giovan Battista, et appartient au capitaine Domenico Leandri.

La seconde chapelle également du côté sud a son autel dédié à la Vierge du Rosaire et appartient à la communauté qui en à la charge ainsi que du maître-autel. »

La reconstruction de l’église vers 1770

De multiples indices et des informations précises concernent une reconstruction de l’édifice prévue dès 1770 et en cours en 1774 et 1780.

  • Tout d’abord, dans le testament d’un certain Benedetto fils de feu Pietro de Patrimonio, passé devant notaire le 13 janvier 1770, figurent des informations très intéressantes concernant la nouvelle construction de l’église. En effet, Benedetto veut se faire enterrer dans l’église paroissiale de San Martinu de Patrimonio et lui lègue pour l’été prochain une « soma » ou encore six « bacini » d’orge sur la récolte du grain qu’il a semé « in onore della fabrica della chiesa parochiale » à donner aux procurateurs de cette église.
  • Le 6 octobre 1771, le prieur de la confrérie de Santa Croce note dans le registre des comptes de la dite confrérie, au chapitre des dépenses : « Per la fabrica di San Martino, pagato unito alli procuratori all’architetto lire sessanta tre e soldi quindeci ». Cette inscription démontre qu’un architecte qualifié a été engagé. Les confrères participent aux frais de construction : il est déjà prévu de raser leur oratoire pour édifier une église plus vaste, et leur contribution signifie qu’ils vont désormais avoir leur siège dans l’une des chapelles latérales de la nouvelle paroisse.
  • Une esquisse de l’église, dessinée en janvier 1773 par J. Daubigny et publiée dans le catalogue de l’exposition « Mesure de l’île, le Plan Terrier de la Corse » montre l’église Saint-Martin en pleine reconstruction, avec ses échafaudages.
  • Enfin, le 24 septembre 1780, le piévan de l’église paroissiale de San Martinu et les officiers municipaux procèdent à l’inventaire de ladite église et du presbytère. Ils précisent par écrit « essendoci trasportati primieramente nelle confraternità di Santa Croce che ora serve di parocchia non essendo per anche terminata la nova fabrica della chiesa di San Martino (…) ». Cette précision de la plus haute importance indique ainsi que l’église paroissiale n’est pas terminée en 1780, que la confrérie de Santa Croce existe toujours et donc, que l’église est loin d’être finie puisqu’elle sera détruite pour lui céder la place.

La description de l’église au XIXème siècle

Un document précieux rédigé au XIXème siècle fait un récapitulatif des travaux et décrit l’église et la disposition des chapelles latérales avec leurs vocables.

  • Le rédacteur anonyme précise tout d’abord que les fondations du clocher furent commencées en 1801 et qu’il fut terminé en 1807.
  • En 1810 on a restauré le choeur et tout le corps de l’église
  • En 1811 on a terminé « de la faire avec toutes les chapelles » et on y a installé les bancs.

Les chapelles particulières furent édifiées par leurs propriétaires, c’est à dire :

  • La première vers « tramontana » sous le vocable de Nostra Signora delle Grazie par Giacomo Lorenzo Palazzi
  • La troisième vers « tramontana » a été édifiée par les signori Francesco Saverio et Angelo Santo Calvelli, sous le vocable de l’apparition de San Michele Arcangelo
  • La quatrième a été restaurée par les confrères du Santissimo Crocifisso et leur appartient ; elle est sous le vocable de la Santissima Annunziata
  • La première vers « mezzogiorno », sous l’invocation de San Giovanni Battista, fut édifiée par les signori Carlo Felice et Don Giuseppe, frères Léandri. Elle fut restaurée et achevée à leurs frais.
  • Ces trois chapelles appartiennent à des particuliers et les autres à la communauté, c’est à dire une d’entre elles sous le titre de la Madonna del Santissimo Rosario propriété des Sorelle de la confrérie, l’autre sous l’invocation de Santa Lucia.

Les travaux initiés vers 1870 n’ont apparemment été achevés dans leurs finitions que vers 1811.

Les travaux du XIXème siècle

Le 29 avril 1849, un contrat est passé à Patrimonio entre le maître maçon Giovan Battista Meria, demeurant à St-Florent, et le Maire et le curé de Patrimonio. Il est convenu :

  • de blanchir l’intérieur au lait de chaux et de bien enduire au stuc toutes les lézardes ou fissures de la voûte
  • de faire le pavement de nef et du choeur
  • le pavement de toutes les chapelles doit rester en l’état sans que le maestro soit tenu de faire des réparations, mais il devra peindre un frise à la base des murs dans toute l’église, y compris dans les chapelles.

Le maestro sera payé 160 francs.

Le 3 février 1850, un contrat devant notaire est signé à Patrimonio entre Clemente Bay, maçon, et Giovan Camillo Calvelli, en qualité de trésorier de la Fabrique de l’église paroissiale, ayant pour objet de faire un grand mur de soutènement pour l’église. Le mur devra être fait « a secco » derrière le choeur jusqu’à la place, et de refaire le mur situé vers le midi de la même manière, puis à partir de la vieille muraille vers l’escalier « di tramontana », le mur situé en face du campanile. Le tout sera exécuté pour la somme de 230 francs. Il s’agit donc du mur actuel, datable de 1850.

Le décor monumental de l’édifice, à savoir le médaillon représentant Saint-Martin sur la voûte de la nef, les quatre médaillons représentant les quatre évangélistes, et la figure de Dieu le père sur la voûte du choeur, ont été exécutés par le peintre Antonio Morazzani en 1908.

D’après C. Paoli septembre 2003

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