« A la recherche du temps perdu » ou comment retrouver nos racines

19 mars 2015 à 20:13

Dès le XVIème siècle, afin d’éviter les mariages de consanguinité trop rapprochée, l’église reconstituait les lignées sur quatre voire cinq générations.

De nos jours, nombreux sont ceux qui veulent connaitre leurs ancêtres.

Mais les motivations sont différentes … C’est plutôt pour retrouver la mémoire du passé afin qu’il ne soit pas perdu pour toujours.

Cela est particulièrement vrai en Corse. Peut-être est-ce dû au fait que les corses accordent une grande importance à la famille et qu’ils sont très attachés à leurs traditions ancestrales…

Pour remonter le cours du temps, il nous faudra faire des recherches dans les archives.

Notons qu’en Corse, les documents les plus anciens conservés jusqu’à aujourd’hui datent de 1550, ceux antérieurs à cette date ont disparu, emportés par les Génois lorsqu’ils quittèrent l’île ou détruits à la suite des troubles et des chaos politiques qui secouèrent la Corse à la fin du XVIIIème siècle.

– Les plus anciens registres paroissiaux retrouvés pour Patrimonio datent de1577 et concernent les mariages.

Avant 1792, date de la création de l’Etat-civil, les registres qui consignaient les Baptêmes, Mariages et Sépulture étaient tenus par le clergé. Ils ont été transférés par la suite de l’Eglise aux communes puis aux archives du département.

Baptême Andrea de Domenico & Benedetta (fam. DOMINICI)

*Sur l’acte de Baptême, sont mentionnés le prénom du nouveau né suivi de celui de son père (et du nom de famille lorsqu’ il était connu), et parfois du nom du hameau et du village d’habitation. Suivent ceux des parrains et marraines et du prêtre, puis les signatures de ceux qui savaient écrire.

Mariage Geronimo x Fiorenza (fam. GIACINTI)

*Sur les actes de Mariage outre les prénoms des époux, de leurs parents respectifs et des témoins figure leur âge qui est souvent approximatif.

Sont mentionnés les trois « avertissements » qui devaient précéder la célébration du mariage pendant trois dimanches consécutifs à l’occasion de la messe ainsi que les dispenses accordées éventuellement pour consanguinité ou pour l’âge non conforme de l’un des époux.

(L’âge minimum du mariage étant fixé à 15 ans pour les garçons et quatorze pour les filles.)

*Sur les actes de Sépulture on trouve l’âge du défunt ainsi que le prénom du père et (ou) du conjoint pour les femmes.

Sepulture Pietro Maria de Pietro Paolo (fam. GIOVANNETTI)

Au XVIIème siècle l’ensevelissement avait lieu dans l’arca de l’église.

A Patrimonio l’entrée de l’arca se trouve dans la deuxième chapelle latérale gauche (chapelle Calvelli), elle est matérialisée par une plaque sur laquelle est gravé un enfant s’appuyant sur une tête de squelette.

C’est sous l’Empire que cette pratique à l’intérieur des édifices religieux a été interdite. On peut donc supposer que c’est de cette époque que datent les tombeaux familiaux ?

Un privilège pour les « sgio » était d’avoir leur sépulture au couvent San Francesco di Marianda à Farinole.

– Les dispenses pour mariages consanguins représentent une autre source importante pour la reconstitution d’une parenté car elles comportent des mini arbres qui permettent de remonter une ascendance.

Les dispenses du quatrième degré suivant le Droit Canon, étaient accordées par l’évêque. Celles du deuxième degré, c’est-à-dire pour les cousins germains, devaient être envoyées à Rome pour obtenir l’accord du Pape. A notre connaissance, elles n’étaient pratiquement jamais refusées.

Des dispenses d’affinité pouvaient également être accordées. C’est-à-dire celles qui concernaient des mariages dont l’un des conjoints était parent avec l’époux (se) décédé(e) de l’autre.

Ces dispenses étaient regroupées par évêché. Ainsi pour Patrimonio on les trouve dans les registres de l’évêché du Nebbio.

Les mariages consanguins ont été nombreux à Patrimonio. Entre 1632 et 1770 nous en avons trouvé 57 pour le village mais il y en a eu certainement beaucoup d’autres.

– Les registres de Taille permettaient d’établir l’impôt. Il s’agit d’un état de la population qui était dressé par les Podestats de la communauté à la demande de l’administration génoise. Chaque chef de famille y est mentionné avec le nom de son père.

On peut y associer les « Stati delle anime » c’est-à-dire des états nominatifs par foyer (père, mère, enfants) avec l’indication de l’âge des individus mâles uniquement. Ils étaient établis par les prêtres. Plus détaillés que les Tailles  mais peu sont parvenus jusqu’à nous. Il n’y en a pas pour Patrimonio.

Cependant certains registres de Taille peuvent être considérés comme de quasi Etats des âmes.

Les Tailles sont conservées en majorité à Gênes. Récemment l’Association « Corsica Genealugia » a pu ramener de l’Archivo di Stato di Genova les photos de celles de 1626-1709 et 1714 pour Patrimonio.

C’est aux Archives de la Corse du Sud à Ajaccio que sont déposées celles de 1670-1671-1673, celles de 1707 et 1726 à la Franciscorsa. Il faut y ajouter les recensements de 1769 et 1786 demandés par le Roi de France.

On peut aussi consulter en ligne sur le site des Archives de la Corse du Sud les recensements de 1818 et 1848.

– Les « Ceppi » ou Minutes notariales nous fournissent également beaucoup d’indications.

Les Notaires intervenaient autrefois constamment dans la vie des individus. On avait recours à eux pour établir tous les actes indispensables tels les contrats de mariage, les testaments, les inventaires après décès, les contrats de vente ainsi que pour régler les litiges de toutes sortes qui pouvaient survenir entre parents ou voisins.

A la lecture de ces ceppi il semblerait que les patrimoniinchi aient été très procéduriers ! Beaucoup d’actes concernent des brouilles familiales au sujet des héritages, de dots non versées, de contrat de mariage rompu etc…

– Le « libro della Compagnia de Santissimo Crocefisso » ,ancêtre de la « Cunfraternità di San Martino »

mentionne le (pré)nom de chaque nouveau « Priore » et celui du « camarlingo » ainsi que ceux de tous les confrères .

Y sont comptabilisées les dépenses et les recettes, achats de cierges pour les cérémonies, de « panni » (draps mortuaires) … versement des oboles notamment pour se faire accompagner vers sa dernière demeure…

Les deux qui ont été retrouvés pour Patrimonio datent de1573 et 1777.

– Il faut ajouter d’autres sources plus récentes tels les registres matricules du recrutement militaire de 1859 à 1918 dans lesquels sont recensés tous les jeunes hommes de 20 ans devant effectuer leur service et qui sont disponibles en ligne sur le site des Archives de Corse du sud.

Ces documents anciens sont écrits en Toscan (en latin pour les dispenses) puisque la langue corse ne s’écrivait pas. Cependant on y retrouve des corcissismes plus ou moins marqués suivant l’époque et le scripteur. Les notaires écrivaient parfaitement la langue officielle alors que pour les prêtres, tout au moins au XVIème siècle et au début du XVIIème , l’exercice était plus ardu ! Et de ce fait, la compréhension n’en est pas toujours très évidente.

L’autre raison qui les rend difficiles à déchiffrer est leur mauvais état de conservation.

Il faut aussi tenir compte des erreurs (en particulier sur les Tailles) . De plus l’absence des noms de famille ne simplifie pas les recherches …

Cependant malgré les difficultés, en recoupant les informations de tous ces documents, on va parvenir à reconstituer des arbres familiaux. C’est ce qui a été fait pour toutes les familles de Patrimonio dont beaucoup sont encore présentes au village.

Et puis grâce à de nombreux détails nous aurons une idée assez précise sur la façon dont nos ancêtres vivaient.

Leurs coutumes n’ont pas du beaucoup changer tout au moins jusqu’au début du XXème siècle car la société corse a toujours été très conservatrice.

Marie Claude

Catégories : Histoire

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