Mihiel Gilormini : Le parcours héroïque d’un pilote portoricain aux racines corses

Originaire de Patrimonio par son père, qui, comme de nombreux Corses à la fin du XIXe siècle, avait choisi de quitter l’île pour échapper à la misère et de s’installer à Porto Rico, Mihiel Gilormini a su faire honneur à son héritage. Pilote de chasse héroïque pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’illustre par sa bravoure et son courage, ce qui lui vaut l’une des plus prestigieuses distinctions militaires américaines : la Silver Star. Retour sur le parcours d’un homme au destin hors du commun.

Les racines d’un héros : jeunesse et découverte de l’aviation

Mihiel « Mike » Gilormini Pacheco voit le jour le 3 août 1918 à Porto Rico, d’un père corse et d’une mère portoricaine. Il grandit à Yauco, bastion de la communauté corse portoricaine, où il se passionne très tôt pour l’aviation. En 1940, cette vocation le conduit en Californie pour suivre une formation de pilote. Doué et déterminé, il obtient sa licence un an plus tard, avec l’ambition de mettre ses talents au service de son pays. L’engagement des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale le 8 décembre 1941 après le bombardement de Pearl Harbor, sera l’occasion pour lui de prouver sa valeur.

L’engagement des Portoricains aux côtés des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale

Depuis l’annexion de Porto Rico par les États-Unis en 1898 et la loi Jones-Shafroth de 1917, les Portoricains sont citoyens américains, ce qui signifie qu’ils sont soumis aux mêmes devoirs et obligations, y compris le service militaire.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont massivement mobilisé leurs forces armées, y compris dans leurs territoires comme Porto Rico. En 1940, le Congrès américain a instauré la conscription pour renforcer ses effectifs. De nombreux Portoricains ont ainsi été recrutés ou se sont portés volontaires pour rejoindre l’armée, motivés par un sentiment de devoir envers les États-Unis et le désir de défendre la démocratie contre les forces de l’Axe. Mihiel Gilormini, alors fraîchement diplômé, est l’un d’eux.

La Seconde Guerre mondiale : une carrière marquée par le courage

Dès novembre 1941, Mihiel s’engage dans la Royal Canadian Air Force comme sergent-pilote, avant de rejoindre la Royal Air Force pour participer aux combats en Afrique du Nord et en Europe. En novembre 1942, il intègre les forces aériennes américaines (United States Army Air Forces) en qualité de sous-lieutenant et est affecté au 345e Escadron de chasse. Au cours de la guerre, il découvre pour la première fois la terre de ses ancêtres, la Corse. L’île, déjà libérée, devient le point de départ de plusieurs de ses interventions.

Aux commandes de P-39 Airacobra et de P-47 Thunderbolt, il cumule au total plus de 368 heures de vol et réalise près de 250 missions de combat. Son expérience et sa bravoure l’érigent au rang de capitaine.

Lors de l’une de ses dernières opérations en novembre 1944, en Italie, alors qu’il dirige un escadron contre les nazis, son avion  surnommé «  Gallito de Yauco » (Le coq combattant de Yauco) est touché par un tir ennemi. D’un sang-froid inébranlable, il parvient à éteindre les flammes en effectuant un piqué et accomplit sa mission en détruisant une voie ferrée stratégique et des véhicules contenant du matériel militaire.

Son engagement et ses compétences lui valent également d’effectuer des missions d’escorte pour des personnalités prestigieuses de l’époque, telles que Winston Churchill et le roi George VI, qu’il accompagne durant leurs déplacements stratégiques en temps de guerre.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, environ 65 000 Portoricains ont contribué à l’effort militaire américain en rejoignant les rangs de l’armée. Servant principalement au sein du 65e Régiment d’infanterie, surnommé les « Borinqueneers« , nom donné à l’île par les amérindiens, ils ont été déployés sur plusieurs fronts. Leur engagement, malgré des conditions difficiles et des discriminations, a témoigné de leur attachement aux États-Unis et a contribué à modifier la perception de la communauté portoricaine. Leur courage et leur détermination ont laissé une marque durable dans l’histoire militaire américaine.

Des distinctions à la hauteur de ses exploits

Gilormini a reçu de prestigieuses distinctions militaires pour sa bravoure : la Silver Star en 1945, la Distinguished Flying Cross à cinq reprises et l’Air Medal avec quatre agrafes. Ces récompenses témoignent de son talent et de son courage face aux situations les plus périlleuses.

Un bâtisseur de l’aviation portoricaine : la création de la Garde nationale aérienne

Après la guerre, Gilormini, devenu colonel, poursuit son engagement en cofondant en 1947 la Garde nationale aérienne de Porto Rico aux côtés du colonel Alberto A. Nido et du lieutenant-colonel José Antonio Muñiz. Il devient brigadier général et prend le commandement de cette unité stratégique, un rôle qu’il occupe jusqu’à sa retraite en 1975. À travers ce poste, il contribue de manière significative à la défense aérienne de Porto Rico.

Un héritage durable : mémoire d’un pilote exceptionnel

Mihiel Gilormini s’éteint le 29 janvier 1988 à San Juan, Porto Rico, et est enterré au cimetière national de Porto Rico à Bayamón avec les honneurs militaires. En 2020, son nom est inscrit au Panthéon des anciens combattants de Porto Rico, en hommage à son parcours exceptionnel et à son héritage gravé en lettre d’or dans l’histoire de l’aviation militaire. Le Lieutenant Jorge J. Amadeo évoque dans une lettre la carrière et l’engagement de Gilormini : « Peu d’hommes peuvent se vanter d’une carrière aussi remplie d’accomplissements et d’expériences que la sienne. Il n’est pas surprenant que quelqu’un d’aussi remarquable soit né sur une si petite île. Le brigadier général Gilormini incarne ses idéaux, élevant le nom de son Porto Rico natal et rendant ses compatriotes insulaires très fiers. »  Mais une autre île a également compté dans le cœur de Gilormini, son fils lors d’une interview en témoigne : «  Lorsque nous étions enfants, il nous parlait très souvent de la Corse et de son village d’origine, Patrimonio, au point de considérer l’île comme sa seconde patrie, et ce, malgré l’éloignement géographique. C’était un homme de petite taille, mais avec un cœur immense, qui n’a jamais oublié ses racines. »

M. Lozano-Falcone

1 réflexion sur “Mihiel Gilormini : Le parcours héroïque d’un pilote portoricain aux racines corses”

  1. Dubarry Giacinti

    Magnifique. Les USA représentés par leur ambassadrice en France lui ont rendu hommage à Patrimonio au hameau Ficaja. C’était une bien émouvante cérémonie. RIP Mihiel

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